Homélie du Révérend Père Placide – Célébration de la Journée pour la Sauvegarde de la Création

Dimanche 29 août 2004

 

En ce dimanche, comme chaque dimanche, nous célébrons la Résurrection du Christ.

Mais en ce dimanche aussi, nous répondons à l’appel du Patriarche œcuménique de Constantinople qui a demandé qu’en cette fin d’été, au moment où une nouvelle année liturgique va commencer, nous consacrions une journée à la prière et à la réflexion pour la protection de la création. Cette demande du Patriarche a une signification profonde.

Le problème écologique, dont notre époque prend conscience d’une façon aiguë, n’est pas simplement un problème de législation, un problème de réglementation étatique. Il n’est pas non plus un simple problème de discipline personnelle ou collective. Il est, fondamentalement, un problème spirituel.

En effet, si nous lisons les premiers chapitres du livre de la Genèse, par lesquels s’ouvre la Bible, nous voyons que Dieu a créé tout l’univers pour l’homme. Il a créé l’homme «à son image et à sa ressemblance», il en a fait, en quelque sorte, son représentant sur la terre. Mais ceci, non pas du tout pour que l’homme exploite la création à sa guise, l’utilise pour satisfaire ses passions. L’homme a été appelé par Dieu, d’abord, à être comme le prêtre de la création. Il a été appelé à reconnaître que toute cette création est une parole de Dieu, que toute cette création chante la grandeur et la gloire de Dieu. Et si l’homme peut utiliser certains éléments de la création pour se nourrir et se vêtir, pour répondre à ses besoins, ce doit être avec modération, et en reconnaissant là une marque de la Providence, de la bonté de Dieu à son égard.

Malheureusement, l’homme n’a pas répondu pleinement à ce dessin de Dieu. Saint Irénée de Lyon qui, à la fin du IIème siècle, était peut-être le plus grand maître spirituel de l’Eglise chrétienne, enseignait que l’homme, dans sa nature, est bien composé d’un corps et d’une âme, mais qu’il n’est vraiment complet que s’il y en a en lui un troisième élément.

Ce troisième élément, c’est la grâce de Dieu, la grâce du Saint-Esprit. Cette grâce, ce don de Dieu, lui donne le sens d’une vie conforme au dessein de Dieu, d’une vie qui ne soit pas dominée par l’égoïsme mais, au contraire qui trouve tout son sens dans le don de soi aux autres, une vie qui trouve son sens également dans la louange de Dieu, dans la reconnaissance de la bonté du Père céleste, mais aussi dans la communion avec tous les hommes ; et une communion qui suppose un renoncement profond à tout égoïsme. Ce don du Saint-Esprit, ce don de la grâce, donne aussi à l’homme, le goût et l’attrait de toutes ces choses.

Mais cette grâce de Dieu ne demeure en lui pour y fructifier que si l’homme y consent, et construit toute sa vie en accord avec cette lumière et cette force que Dieu est toujours prêt à lui donner.

Par le péché, l’humanité a voulu se suffire, a voulu se satisfaire elle-même ; elle a renoncé, bien souvent, à obéir à la voix intérieure de Dieu, elle a bien souvent refusé de se servir de la force que Dieu lui offrait et a préféré vivre selon ses passions. Selon ses passions…c’est à dire selon ses désirs égoïstes, ses convoitises, selon son agressivité, sa volonté de puissance, son désir dune autonomie refusant toute autorité et toute communion réelle avec les autres. Et, comme le disaient Saint Irénée et d’autres Pères de l’Eglise «quand l’homme n’est pas plus qu’un homme, quand l’homme n’a pas en lui cette deuxième âme supplémentaire qu’est le don du Saint-Esprit, il devient moins qu’un homme». Il se met même en dessous des animaux, et c’est alors qu’il devient un «loup pour l’homme» et un prédateur redoutable pour la création.

C’est pour cela que la solution du problème écologique, si nous allons vraiment à l’essentiel, c’est que l’homme ne vive plus selon ses passions, que l’homme ne se laisse plus dominer par son égoïsme, par sa soif de plaisir, de pouvoir, de domination, par son agressivité, mais qu’il mène, au plus intime de lui-même, ce combat spirituel dont nous parlent les Pères et qui consiste à lutter non seulement contre les actes égoïstes, mais même contre toutes les «pensées» qui nous mettent en contradiction avec Dieu, en contradiction avec les autres, et qui nous incitent à utiliser les créatures pour notre seul plaisir, pour notre seul avantage, et qui qui nous opposent aussi aux autres, nous faisant considérer les autres hommes comme des choses, comme des objets que nous manions à notre guise et que nous asservissons à notre volonté de pouvoir, de domination ou de jouissance.

 Oui, le fond du problème écologique, c’est cela. Il faut que l’homme possède ce «supplément d’âme», possède cette deuxième âme qu’est le don de l’Esprit-Saint en lui, pour qu’il ait la lumière et la force de mener le combat contre toutes les mauvaises tendances qui l’incitent à exploiter la création, aboutissant aux résultats dramatiques que nous pouvons constater aujourd’hui et qui en sont directement le fruit, d’une manière ou d’une autre.

 Mais pour que cette grâce de Dieu puisse être présente en nous, agir en nous, eh bien ! il faut la demander. Il faut demander à Dieu de «créer en nous un cœur nouveau» de transformer notre cœur, pour que notre cœur soit selon Dieu, et que tous nos désirs, toutes nos pensées, tous nos actes, tendent ainsi à établir autour de nous cette communion profonde avec les autres hommes et avec toute la création. Et c’est alors que le dessein de Dieu sur l’homme et sur le monde pourra véritablement s’accomplir. C’est alors que l’homme retrouvera sa véritable fonction dans la création. Il redeviendra vraiment le chantre et le prêtre de cette création qui est faite pour louer son Créateur.

A lui, Père Fils et Saint-Esprit, soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen.

 

 ( publié dans la revue "Les Amis de Solan" , Numéro 46, Juillet 2018)